Synopsis :
Un poste de police. Un tête-à-tête, en garde à vue, entre un commissaire et son suspect.
Au Poste est une merveille du cinéma français.
J’ai connu le travail de Quentin Dupieux il y a deux ans en regardant l’excellent Réalité avec Alain Chabat. Alors, j’avais complètement adoré cet univers absurde solidifié par une base esthétique magnifique qui vient vous piéger dans un gouffre de non-sens dont vous ne sortez pas indemne. C’est un réalisateur qui sait jouer avec notre esprit afin d’offrir une véritable expérience cinématographique à ses spectateurs dans une légèreté surprenante. Dans Réalité, il nous promène du rêve à la réalité, du passé au présent, du regret à l’hypothétique, le tout servant une histoire, certes livrée de façon plutôt légère, mais restant malgré tout assez tragique. Et bien dans Au Poste, ce jeu d’esprit est d’autant plus présent qu’il sert la plus merveilleuse des émotions : le rire.
Au Poste est donc un huit-clos jonché de quelques flash-backs dans un poste de police où un jeune homme (Grégoire Ludig) se fait interroger par un inspecteur (Benoît Poelvoorde) sur un crime qu’il n’a apparemment pas commis. Le tout se déroulant dans une époque qui n’est pas claire (habits des années 80, téléphones des années 90…) et une ambiance très terne avec principalement du marron et du jaune. Ces ambiances de couleur et d’époque nous montrent dès le premier coup d’œil une chose : il ne va rien se passer. Du tout.
Du tout.
Un gros élément du film est en effet cette lenteur, cette inutilité, des tâches de l’inspecteur, et des réponses de l’interrogé. Rien n’avance mais rien n’est vraiment cherché non plus. On regarde simplement ces deux hommes se découvrir au fil de dialogues qui s’éloignent et se rapprochent au gré des vents du problème principal (qu’on oublie très vite) : quelqu’un a été tué. Benoît Poelvoorde excelle d’ailleurs dans ce rôle d’inspecteur très investi dans des minuties ridicules mais auxquelles il tient beaucoup, comme par fierté. Et quant à Grégoire Ludig, il est absolument parfait dans ce rôle que je qualifierais de « rôle du spectateur ». Car en effet comme je vous l’ai dit, Quentin Dupieux va jouer avec notre cerveau, et Ludig va au travers de ses réactions et paroles nous demander sans cesse avec un calme et une compréhension légendaire : « Mais c’est quoi ce bordel en fait ? »
Il ne s’agit pas d’un monde complètement irréaliste et stupide où les flics ont une tête de cheval et tirent avec des bananes. Au contraire, il s’agit d’un monde absurde par petites touches disséminées pendant 1h15, et c’est ça qui vient nous embrouiller et surtout, nous faire rire. Face à des éléments complètement absurdes comme l’excellent Marc Fraize et son oeil disparu comme s’il s’agissait d’un photoshop, ou le merveilleux trou dans le poumon de Poelvoorde qui laisse s’échapper la fumée de sa cigarette, tous les protagonistes sont très calmes et agissent normalement car… « c’est normal ». Ces petites touches de non-sens viennent nous titiller l’esprit et interrompent sans arrêt l’interrogatoire à cause d’un Grégoire Ludig qui ose réagir « mais vous avez pas d’oeil » avant de se plier face à l’autorité policière. Ce huis-clos crée donc comme un mini univers entre ces quatre murs de la police, qui ne répondrait pas aux mêmes lois de logique que chez nous.
Durant tout le film on se sent comme Grégoire Ludig, seul et désemparé face à cette folie douce qui se présente devant nos yeux. Or, même ce personnage nous abandonne et bascule du côté absurde de la table alors que l’on découvre certaines de ses particularités qui le rendent aussi bizarre que les personnes qui l’entourent. Ceci inclue la merveilleuse scène de l’huître qui a dû être très très dure à tourner sans rire.
Au Poste est donc très bien construit dans le sens où il ne se passe narrativement rien mais qu’on a pourtant vu un film particulièrement dense en seulement 1h15. Cela grâce à des dialogues très riches et bien rythmées, ansi qu’à une réalisation simple mais très minutieuse qui ferait presque penser à un Wes Anderson dans sa gestion des décors et des accessoires. La fin est bien évidemment à la hauteur du réalisateur : un mind fuck total mais très bien venu qui arrive pour clôturer ce film en beauté.
Je terminerai avec un petit quelque chose qui m’a fait pas mal rigoler. Dans son précédent film Réalité, la majorité de l’intrigue tourne autour d’Alain Chabat qui essaie de parvenir au meilleur cri de l’histoire du cinéma, faisant des centaines et des centaines d’enregistrements sur son dictaphone. Et bien alors que je regardais le générique, j’ai remarqué que les cris que l’on entend en hors-champ à un moment du film ont été spécialement fait par Alain Chabat. Ce petit caméo (que j’ai pu ensuite vérifier au travers d’une interview que j’ai trouvée de Dupieux et Poelvoorde) m’a fait bien plaisir et m’a confirmé que Quentin Dupieux est un réalisateur que j’aime beaucoup.
Une énorme dose de rire pour peu d’acteurs et une durée très courte, regardez Au Poste !
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