Bonjour à tous !
Alors oui ok je reconnais que ça fait un petit (minuscule) moment que j’ai pas écrit. Faut dire que je suis vraiment occupé à force, rencontrant de plus en plus de monde, prenant les cours plus au sérieux, visitant toujours plus de choses, mais en restant toujours complètement impressionné par toutes les surprises de ce pays !
Aujourd’hui je vous propose de vous parler d’une expérience qui m’a particulièrement marqué au Japon et que je trouve vraiment hyper intéressante dans son histoire et fonctionnement : le Kabuki.
Alors puisque vous pouvez trouver toute l’histoire du kabuki sur Wikipédia, et que ça sert à rien que je recopie tout ça ici, je vais plutôt vous offrir ce que je sais du kabuki actuel, et plus que tout, mon ressenti après avoir vu un spectacle.
LE KABUKI, MAIS KÉKÉCÉ ?
Donc le kabuki désigne une forme de théâtre traditionnel japonais qui est très connue pour mettre en scène des acteurs très maquillés au jeu forcé, mais je vais expliquer tout ça très en détail. Donc kabuki s’écrit 歌舞伎. 歌 (ka) signifie chant, 舞 (bu) danse, et 伎 (ki) habileté technique, qui sont littéralement les 3 piliers du kabuki. C’est une forme de théâtre qui date d’environ 1600 et qui pour faire simple a eu ses hauts et ses bas (comme j’ai dit, Wikipédia est parfait).
Le fait est qu’aujourd’hui le Kabuki est la forme de théâtre la plus populaire au Japon en nombre de spectateurs. S’il reste peu de théâtres qui y sont consacrés (la plupart ayant été détruits durant la seconde Guerre Mondiale), ceux-ci sont vraiment gigantesques et très élégants, ce qui participe à la sacralisation des spectacles. En effet les représentations sont assez rares (une pièce va être jouée seulement une ou deux fois), notamment en raison du peu d’acteurs professionnels (90), et de l’incroyable effort que demande la mise en place d’une pièce, ce qui donne des billets assez chers (comptez de 60 à 120€ facilement) pour une qualité incroyable. Le Kabuki est donc un événement exceptionnel et une véritable expérience à vivre pour toute personne venant au Japon !
LES PARTICULARITÉS DU KABUKI
Les pièces de kabuki se déroulent majoritairement dans le Japon féodal (jidai mono), bien que certaines se déroulent à notre époque (sewa mono), et mettent en scène des personnages aussi bien issus du pouvoir, que des paysans, tous interprétés par des acteurs masculins. En effet un grande particularité du kabuki réside dans le fait que les personnages (aussi bien masculins que féminins) sont joués exclusivement par des hommes. Pour ce faire, chaque acteur est extrêmement maquillé et habillé, ce qui fait qu’on ne voit quasiment pas la supercherie, mais surtout permet d’immédiatement identifier les personnages. Le maquillage pour les personnages nobles leur donne une peau blanche aux yeux et
lèvres rouges, auxquels s’ajouteront des traits du visage particulièrement marqués (sourcils froncés, lèvres tirées…). Ainsi les expressions du visages sont très puissantes, indiquant les intentions du personnage avant même qu’il n’ait parlé.
Ensuite comme je l’ai dit, les acteurs sont habillés plutôt que déguisés. En effet, les costumes portés par les comédiens, qui sont donc des costumes d’époques, sont vraiment impressionnant par leur envergure et leur beauté. Chaque acteur, qu’il soit principal ou secondaire, va profiter d’un costume d’époque réalisé à la perfection, ce qui permet encore une fois de reconnaître immédiatement la nature de chaque personnage (homme/femme, noble/paysan, politicien/guerrier…). Ces importants costumes sont accompagnés d’un décor très réaliste qui va donner beaucoup de crédibilité à la scène.
Le jeu des acteurs de Kabuki est tout à fait unique. En effet, la pièce est tout le long rythmée par un narrateur chantant (d’une façon très étrange) accompagné de musiciens, cachés ou non dans le décor. Le jeu va donc autant s’appuyer sur les dialogues et actions que sur des mouvements dansants rythmés par la musique. Pour ce qui est du dialogue, les acteurs de kabuki utilisent un vocabulaire très ancien (que même la plupart des japonais ont du mal à comprendre) prononcé d’une manière presque chantante, leur voix prenant un ton très particulier (voir la vidéo). Mais ne pas comprendre les dialogues n’est absolument pas un souci puisque grâce aux maquillages et costumes, mais surtout gestes des acteurs, la compréhension de la pièce est très facile. En effet les comédiens vont accentuer chacun de leurs gestes et expressions du visage que ce soit pour une pièce comique ou tragique, tout en suivant à la lettre les postures et habitudes de l’époque avec une précision impressionnante.
Le côté dansant vient lui prendre le pas (c’est un peu rigolo comme jeu de mot hein ? Allez quand même ? Non ? Non bah non alors…) dans des moments où seule la voix du narrateur est présente avec la musique. Les acteurs effectuent alors des actions en suivant le rythme de la musique et en marquant particulièrement leurs expressions, donnant des scènes irréalistes aux mouvements lunaires. Les moments les plus impressionnants durant ces passages sont évidemment les poses de statues. Un comédien qui était par exemple en position de force pendant un dialogue va danser un peu durant la musique avant de prendre une pose immobile durant plusieurs secondes, montrant sa puissance.
Un point assez étonnant du Kabuki est la présence de kurogo. Il s’agit d’assistants de scène qui vont donc venir changer un point du décor ou assister un acteur avec ses accessoires ou costumes... pendant la scène ! En effet ils sont vêtus tout de noir (avec une cagoule) et effectuent ces gestes très rapidement en se cachant légèrement derrière les acteurs et en faisant des gestes d’une extrême précision sans un seul bruit. Cela donne encore plus d’envergure aux personnages importants et leurs impressionnants costumes qui nécessitent donc assistance.
Enfin la scène est très importante dans cette forme de théâtre. En effet, en plus d’une scène habituelle, on trouvera deux prolongements de chaque côté de celle-ci qui viennent couper le public et terminent sur une entrée dans les coulisses. C’est donc par ces passages qu’entrent et sortent la plupart des personnages au cours de la pièce avec des mouvements propres à chacun. L’entrée d’un grand chef se fera lentement avec ses dizaines de serviteurs qui viennent remplir toute la longueur du ponton, tandis que celle d’un bandit se fera par exemple avec des pas sautillants d’une façon encore une fois très accentuée. Chaque entrée ou sortie de personnages est marquée par un figeage du jeu lorsque celui-ci arrive à son emplacement sur la scène afin que le public ait le temps d’applaudir, et parfois même de crier le nom de l’acteur ou de l’école de celui-ci. On retrouve d’ailleurs beaucoup plus la relation entre le public et la scène, les spectateurs exclamant leurs réactions et applaudissant chaque entrée et sortie d’acteur.
Plus j’écris et plus je me rend compte que c’est très très très compliqué de décrire le kabuki alors voici plutôt un extrait de pièce qui est assez représentatif de ce que je vous ai raconté, même si on n’y retrouve pas tout.
LES ACTEURS
Alors je fais toute une partie sur les acteurs de Kabuki parce que je trouve ce fonctionnement hyper intéressant ! Donc tous les acteurs sont des hommes et la plupart du temps la profession se passe de père en fils. C’est pourquoi l’on retrouve souvent le grand-père, le père et le fils sur la même scène. Les enfants commencent d’ailleurs à jouer très tôt (5-6 ans) puis suivent leurs études tout en jouant ce qui demande un effort considérable. Ce seront d’ailleurs les très jeunes acteurs (de 12 à 30 ans environ) qui joueront les jeunes et belles femmes, tandis que les hommes plus âgés joueront les grand-mères ou les femmes supposées être laides (dans la pièce que j’ai vue et c’était hilarant). Le plus souvent ces familles d'acteurs joueront les mêmes rôles aux mêmes âges (le grand-père jouait un bandit à 40 ans, de même fera le père, de même fera le fils).
Les acteurs fonctionnent en familles et écoles. En gros à la base les acteurs prenaient simplement le nom de famille de leur père en ajoutant un numéro (comme les rois quoi). Mais évidemment certaines familles se sont créées de meilleures réputations que les autres et une sorte de hiérarchie s’est instaurée. Ainsi aujourd’hui le nom de scène d’un acteur va changer au cours de sa carrière (ainsi que celui de son fils et petit-fils s’ils sont également acteurs) lors de grandes cérémonies de dénomination appelées shūmei au cours desquelles un certain nombre d'acteurs changent officiellement leurs noms. Très récemment, un acteur de kabuki très célèbre a été promu ainsi que son fils et petit-fils au nom de Matsumoto. Les noms comme Matsumoto ou Ichikawa Danjūrō sont les plus prestigieux et s’obtiennent généralement en fin de carrière. On appelle donc tous ces noms une sorte d’école dans le sens où ils apprendront peut-être un jeu légèrement différent.
Enfin les acteurs de Kabuki jouissent d’une très grande notoriété au Japon, certains participant parfois dans des films ou séries télé. Ils sont en quelque sorte considérés comme les garants d’une partie du Japon traditionnel.
MON RESSENTI APRÈS LE VISIONNAGE D’UNE PIÈCE
J’ai donc eu la chance d’aller voir une pièce de kabuki à Chiba juste à côté du château de la ville en Novembre. Il s’agissait donc d’une pièce assez longue de 2h au fond plutôt tragique mais avec beaucoup de passages très comiques, suivie d’une courte pièce comique plus dansante de seulement 30 minutes. (je vous met le résumé de chacune des pièces quand je les retrouve !) J'étais au 4e rang de devant (dans une salle immense) donc j'ai pu bien observer !
Donc ce qui m’a particulièrement marqué dans le kabuki c’est le fait de voir de vrais personnages plus que des acteurs. La supercherie des maquillages et costumes est évidente (sauf pour reconnaître un acteur homme dans un personnage femme, c’est impressionnant parfois) mais pourtant, au lieu de se dire que l’on a devant nous des acteurs maquillés et déguisés, l’accentuation est tellement forte que l’on voit comme des personnages de gravures anciennes s’animer. Personnellement j’étais complètement absorbé par l’univers fou qu’on nous présente. Les premières minutes sont très déroutantes parce qu’on ne comprend pas les paroles, les enjeux etc encore, mais le temps passe et on se familiarise très bien avec ces apparences et gestures particulières. J’étais donc vraiment impressionné par ces grandes figures montrant leur puissance ou désespoir, et quand il m’arrivait de parfois penser à l’acteur sous ce costume, j’étais impressionné par la qualité et la précision du jeu donné ! Grâce au maquillage et aux incroyables expressions du visage des acteurs, les moments les plus forts sont souvent ceux où ils ne parlent pas ! Je pense que c’est vraiment comme ça que je donnerais la différence entre le théâtre européen que j’ai vu et celui-ci : en Europe les acteurs jouent des rôles alors qu’ici ils incarnent des personnages.
Une des choses que j’ai vraiment adoré c’est l’entrée en scène des acteurs par ces longs chemins. C’est une sorte de monologue gestuel de chaque personnage pour montrer qui il est, ce qu’il veut, comment il va le faire. Pour l’entrée d’un grand chef, la file de serviteurs était vraiment incroyable avant de découvrir un costume d’une envergure inimaginable ! Et donc ces applaudissements de la foule pour chaque acteur donne un aspect presque de participation à l’histoire, comme si chacun disait « Ouais c’est ça vas-y il faut que tu viennes pour le défonceeeeeeer !!! »
Ensuite, une grande partie du comique était surtout du premier degré pur ou du brisage du 4e mur mais toujours fait dans une finesse et une intelligence remarquables qui vous font toujours rire ! Pour la seconde pièce, la femme laide était joué par un acteur homme assez âgé et avec des traits masculins très très marqués, tout en étant maquillé et déguisé comme une femme, ce qui était vraiment très très drôle ! D’autant plus que les acteurs habitués des rôles de femmes sont également habitués à leur voix, contrairement à cette homme qui avait une voix bien rauque en montant dans les aïgues ! En revanche les passages tristes (il me semble qu’ils l’étaient) ne m’ont franchement pas touché (bon c’est dur de me toucher avec de la tristesse dans autre chose qu’un film) mais étonnamment étaient joués avec une beaucoup d'humilité. Pas de grands monologues criés « Ô Dieu ! Pourquoi moi ?! » mais plutôt la chute très humble et mélancolique d’un homme puissant.
Les décors, le placement des acteurs et leur gestuelle sont vraiment très traditionnels. On croit vraiment observer une scène du Japon médiéval avec toutes ses règles de bienséance et politesse, sans avoir la lourdeur d’un « oyez oyez ! » mais plutôt toutes ces règles non dites de hiérarchie entre chaque personne.
Donc voilà pour mon expérience au Kabuki ! J’alimenterai cette article si d’autres souvenirs me viennent en tête sur la pièce que j’ai pu voir ! C’était un article assez court pour vous faire patienter alors que 2 très gros articles sur le lycée vont arriver prochainement, ainsi qu’un article sur les fêtes de fin d’années, l’emploi…
Sur ce je vous souhaite à tous une très très belle année et une bonne rentrée !
À bientôt !